Bois de mer.

La mer, prodigue et généreuse, m’accorde des sculptures qu’elle réalise sur des pièces de construction navale, des bois de brise-lames et des bois relevés de l’économie conchylicole. Ce sont des bois qu’elle travaille longuement dans ses flux et ressacs. Ils apparaissent comme des sculptures naturelles humbles dans leur émergence première : elles sont grises, ternes, criblées, exténuées.
Sous cet habillement de bure, le bois révèle de belles qualités préservées et même améliorées par les minéralisations (salines, siliceuses, etc.) et par les oxydations ferreuses qui, ça et là, ont déposé leurs lavis d’encre.

L’opposition entre la surface humble et obscure, œuvre des flux et des sables et celle que l’outil met au jour, lisse, lumineuse, chaudement colorée, m’a particulièrement intéressé. Mon souci reste présent de travailler au cœur de ce contraste des surfaces infiniment rudes, infiniment satinées.

Par ailleurs, les ressources de ces bois n’ont pas grand chose à voir avec celles qu’offre au sculpteur le choix d’un matériau en masse : le bloc. Chacun d’eux porte une forme native héritée de son séjour sous marin. Cette forme originelle sollicite une lecture. Lire le bois, c’est saisir comment les courbures évidentes ou discrètes, la répartition des masses, les oscillations autour de points d’équilibre sollicitent le regard et se traduisent dans la sensibilité du corps propre,  comme si le lexique et la syntaxe permettant la lecture étaient retrouvés dans les archives du corps. Du coup, la vocation de ces œuvres serait-elle de mettre en relation l’évidence de la sculpture comme objet visible avec la sensibilité corporelle qu’elles auraient le pouvoir d’éveiller ? En d’autres termes, que la lecture de l’un trouve un lien avec l’animation secrète du corps de l’autre.

 

 

 

 

 

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